Monday, December 18, 2006

La visite de Zidane est un coup de tête de l’Algérie

La visite de Zidane est un coup de tête de l’Algérie
Kamel Daoud
Qu’est-ce que Zinedine Zidane ? C’est un produit international, de nationalité française et d’origine algérienne. Tout le monde y trouve son compte: la multinationale du football et l’industrie qui s’en nourri, la France plurielle qui l’exhibe comme une réussite et l’Algérie qui l’invite pour compenser le déboisement sportif national. Après s’être battu sept ans, avoir été indépendant pendant trente ans, s’être trompé jusqu’en 1988 et avoir tout cassé jusqu’à la « réconciliation », il ne restait plus rien de l’Algérie qu’un originaire de l’Algérie pour tout oublier. On comprend alors le cadeau fait par l’Algérie à Zidane qui lui fait un cadeau en répondant à l’invitation.L’illustre bonhomme reste presque l’unique produit « made in Algeria » par ses parents même si pour lui l’Algérie n’est déjà plus qu’un souvenir poli. Il est la preuve que si la colonisation n’a pas été une belle histoire, l’immigration semble avoir été plus positive. Et on comprend pourquoi l’Algérie le traite comme la Palestine: avec lui à raison ou à tort lorsque le bonhomme a eu tort de donner un coup de tête. Reste alors la question qui se pose: pourquoi Zidane ne vient-il se souvenir de ses souvenirs qu’aujourd’hui et pourquoi l’Algérie ne l’a invité que lorsqu’il a presque mal fini ? Réponse: parce qu’il est quand même algérien de fabrication, parce qu’il fait rêver les jeunes Algériens qui n’auront plus à acheter des barques pour aller le voir là-bas, parce que cela fait bien pour la fréquentabilité du pays et parce que mis à part Bouteflika, le pétrole, les dos d’âne et la pomme de terre, il ne se passe pas grand-chose dans ce pays où le football est en panne.Ce n’est pas tout cependant: désormais retraité, ce n’est que dans le pays où la retraite peut déboucher sur une seconde vie que Zidane peut encore jouer sans ballon, tirer sans être obligé de marquer des buts et frapper sans rien risquer dans le cadre de la Charte. Symboliquement, c’est dans un pays qui ne fait rien que Zidane peut ne rien faire et se faire applaudir quand même. Il ne peut être qu’un grand joueur dans un pays qui n’a plus d’équipe et remplacer tout un championnat par un seul sourire à l’aéroport.La visite de Zidane va cacher le reste: d’abord le football local d’abord réduit à des sénatoriales, le manque de divertissement politique depuis le rétablissement de Bouteflika et enfin le traité d’amitié entre la France et l’Algérie remplacé par une réception à l’honneur du maire de Marseille. Est-ce tout ? Non: l’Algérie prouve qu’elle est obligée, pour se remonter le moral, d’importer les gens qu’elle a produits et de revendiquer un rêve et une réussite même si elle n’y a participé qu’avec le nom et le prénom du prodige. C’est mieux que rien, c’est-à-dire que c’est mieux que l’équipe nationale.
Quotidien d'Oran- le 07 décembre 2006

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