Friday, December 22, 2006

L’Algérien qui rit, l’Algérien qui pleure

Décidément, l’Algérien concentre en lui tous les défauts du monde. Il en a encore pris pour son grade lors de l’avant-dernière sortie publique du président de la République. Evoquant la manne financière que représente le tourisme mais qui peine à être dynamisé, le chef de l’Etat a pointé du doigt le responsable qui est, à son avis, l’Algérien.

Cet Algérien qui ne sait pas sourire, qui ne veut pas porter la valise des autres. Avant ce jour, il était question de son manque d’empressement à l’effort pour justifier la présence de la maind’oeuvre chinoise. Sur son site Web, le ministère des Affaires étrangères français souligne que l’Algérien ne respecte pas le code de la route. Les statistiques des services de sécurité font ressortir que l’Algérien a le couteau facile. Malheureusement, tout cela est vrai. L’Algérien porte en lui toutes ces tares et d’autres encore. Elles sont visibles et nul ne peut les nier. Soit! Mais faut-il en rester à répéter les mêmes constats que personne ne conteste? Tous ces «traits de caractère» ne sont que des effets. Et si l’on parlait plutôt des causes?Car, enfin, pourquoi l’Algérien est-il si différent dès qu’il est à l’étranger? D’où lui viennent tous ces sourires, toutes ces politesses dès qu’il est hors de son pays? Pourquoi est-il très sollicité pour les rudes travaux de chantiers en Europe et particulièrement en France? D’où lui viennent toutes ces amabilités, cette solidarité, cette chaleur et cette entraide dès qu’il est en présence d’un compatriote rencontré dans tout autre pays de la planète que le sien? Pourquoi sait-il traverser convenablement les passages cloutés et respecter les feux à Genève, Paris ou Boston? L’Algérien retrouve à l’étranger les vertus qui le quittent dès qu’il foule le sol de son pays. Pourquoi? Grande question qui, malheureusement, n’a pas été posée par nos responsables et surtout n’a jamais été soumise à débat entre spécialistes.

Il est clair que l’Algérien est passé, en juillet 1962, c’est-à-dire hier, brutalement d’un état à l’autre, de l’esclavage à la liberté. Sans transition. Sans aucune préparation. Mais surtout sans aucun accompagnement. Il venait de sortir d’une catastrophe qui, sans être naturelle, en était quand même une. Une catastrophe qui aura duré plusieurs siècles. Des siècles durant où le dominateur, autant le Turc que le Français, n’a pas fait de quartier pour s’acharner contre l’Algérien. Il est dans l’air du temps aujourd’hui que des victimes d’accidents ou, a fortiori, de catastrophes aient droit à un suivi psychologique. La toute dernière fois où ce suivi a été mis en avant à satiété dans notre pays, c’était au lendemain du séisme de Boumerdès, en mai 2003.

Au-delà de la qualité du suivi qui a été prodigué, il y a lieu d’en adopter le principe et faire en sorte de développer cette science dans notre pays. C’est ce qui nous a cruellement manqué en 1962. Le plus lamentable dans l’histoire est que, depuis tout ce temps-là, aucune conférence, séminaire, colloque ou quelque chose qui y ressemblerait n’ont été organisés autour du thème «Le colonisé et la liberté». Rien qui ait pu susciter des débats et des réflexions entre spécialistes en vue d’aider l’Algérien à surmonter les tares qui lui empoisonnent l’existence aujourd’hui encore.

Et si l’on se cantonne au seul constat, on ne fera pas mieux que Malek Bennabi, Tocqueville ou encore Albert Memmi dont la réédition de l’oeuvre est précisément préfacée par Abdelaziz Bouteflika. Donc, il faut aller aux causes pour espérer une thérapie. Pour faire retrouver le sourire à l’Algérien, chez lui.

Par Zouhir MEBARKI, L'expression, Le 21 décembre 2006

Note : Le versant sud de la liberté + Le défi Indien

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