Monday, June 04, 2007

La presse algérienne et les législatives

La presse algérienne et les législatives

Il n’ y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, dit l’adage. Et cet adage s’applique à merveille à nos partis politiques, particulièrement au FLN et au RND, qui, lors d’un débat postélectoral télévisé, ont accusé la presse de n’avoir pas joué son jeu. Pire encore: d’avoir fomenté ce "coup bas" qui s’est exprimé, fatalement, par un taux extrêmement bas de participation lors des législatives du 17 mai dernier!

La presse, selon certains responsables de ces deux partis, a eu le pouvoir de dissuasion, le pouvoir d’influence auprès de l’électorat en commentant négativement le déroulement de la campagne électorale. Mais en quoi la presse a-t-elle eu tort ? Elle n’a rapporté que les faits et rien que les faits. Si la campagne électorale a été d’une morosité et d’une monotonie telles qu’elle n’a pas drainé les foules le jour « J », ce n’est tout de même pas la faute de la presse ! Ou alors, on lui cherche des noises parce que, ces derniers temps, celle-ci a tendance à révéler certaines choses qui ne plaisent pas à tout le monde, telle, par exemple, cette information parue sur le journal « Liberté » d’hier : « Des recettes de plus de 50 milliards de dollars attendues en 2007 », recettes tirées des exportations des hydrocarbures. Effectivement, quand les Algériens voient de tels chiffres, de telles sommes entrer dans les caisses de l’Etat sans qu’ils puissent eux-mêmes en profiter directement, il y a de quoi bouder les urnes !

Ainsi donc, toutes les raisons objectives qui ont fait que les électeurs ne se sont pas déplacés en masse aux bureaux de vote, viennent d’être rejetées d’un revers de la main. Et pourtant, ces raisons-là sont connues de tous. Je ne vais pas les énumérer toutes sous forme d’une liste exhaustive, mais, pour ne donner qu’un seul exemple, sachez qu’en Algérie, le chômage est une réalité que nul ne peut cacher. Celui-ci est à deux chiffres pour parler le langage des économistes et concerne même les milliers de diplômés que nos universités mettent chaque année sur le marché du travail. A tel point que pour parer à ce désastre, les pouvoirs publics ont imaginé un concept qui n’existe nulle part ailleurs : "Tachghil echabab", l’emploi des jeunes qui consiste à recruter, pour le compte de certains hôpitaux de l’intérieur du pays, par exemple, des médecins pour une poignée de dinars ! J’en connais quelques-uns. Ils sont payés l’équivalent de 70 euros par mois ! A côté d’un député qui, lui, va toucher à peu près 3 000 euros en plus du "LNB"(logé, nourri, blanchi) par l’Etat, je crois sérieusement, et vous en convenez avec moi, qu’il "y a pas photo" pour reprendre l’intitulé de cette émission de... TF1. Enfin, je crois.

Le phénomène des "Harraga" dont j’ai déjà parlé il y a quelques jours n’est pas, non plus, une vue de l’esprit. Ou une histoire fictive d’un auteur en mal d’imagination. Je m’arrête là parce que ça ne sert à rien de répéter toujours les mêmes rengaines, toujours les mêmes refrains.

Ainsi donc, les partis politiques qui nous gouvernent, au lieu de tirer des leçons pratiques, pragmatiques de ce qui s’est passé ce jeudi 17 mai, se perdent dans des considérations philosophiques consistant à rejeter la balle et sur la presse et, la meilleure encore et la dernière en date, sur la loi électorale qu’eux-mêmes ont, pourtant, confectionnée ! La loi électorale est mauvaise ? Elle est dépassée, démodée, inadaptée à la société algérienne de 2007 ? Qu’à cela ne tienne ! Changeons-la. Changeons même la Constitution s’il le faut. Celle-ci n’est ni la Bible ni le Coran. C’est une œuvre humaine qui comporte certainement pas mal de malfaçons, pas mal de carences et d’insuffisances. De ce fait, elle peut être rediscutée, remodelée à tout moment. Mais, cela pourrait-il garantir que lors des prochaines échéances électorales, les citoyens iraient faire la queue à 8 heures du matin devant les bureaux de vote ? Cela m’étonnerait beaucoup ! Il faut être lucide : ce n’est ni un problème de texte ni un problème de loi. Le taux record de l’abstention (64%) lors de ces législatives est directement lié à la condition sociale des Algériens. Tant que les conditions sociales des citoyens empirent de jour en jour alors que, paradoxalement, les réserves en dollars de l’Algérie augmentent de plus en plus, ceci ne peut être que prévisible.

Si les Algériens se sont détournés de la chose politique (et donc des dernières législatives) c’est parce qu’ils ne font plus confiance aux hommes politiques qui leur promettent monts et merveilles, mais qui, une fois arrivés au pouvoir, les ignorent complètement. A-t-on déjà vu un député revenir à son douar d’origine et rendre des comptes à ses électeurs ? Pas que je sache !

Pour conclure disons que, de facto, on reconnaît à la presse algérienne et en particulier à celle dite francophone son rôle non négligeable, quand celle-ci s’y met vraiment, sur l’opinion publique. Implicitement, ces deux partis viennent donc de reconnaître à la presse le fait d’avoir, enfin, acquis ses lettres de noblesse et de constituer ainsi ce qu’on a appelle le 4e pouvoir.

Par Sidi Khaledi, Le 29 Mai 2007

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